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II. Maître Plogrov

Wladimir, convalescent, regagna son point de chute parisien en ambulance. Ses conférences ayant été annulées pour raisons de santé, il reprit l’avion pour la Syldurie.

Nous repartons nous aussi pour Arklow, capitale de ce petit royaume balkanique auquel nous sommes si fortement attachés.

Nous avons rendez-vous au cabinet de Maître Plogrov, avocat au barreau d’Arklow.

C’est qu’il a fait son chemin, le petit Dimitri, depuis le jour où Lynda l’a expulsé de sa chambre par le col du pyjama.

Maître Dimitri Plogrov qui a dans cette affaire, rappelons-le, perdu son titre de marquis et sa particule, est un magistrat très affairé. Le voilà en communication avec La Paz.

« Allo ? Bonjour monsieur le marquis. Maître Plogrov. J’ai bien reçu votre chèque de huit cent mille dollars. Notre affaire va pouvoir se conclure facilement… Oui… Vous dites ?… La reine de Syldurie a congédié tous les juges corrompus de son royaume ; c’est ça qui vous inquiète ?… Pour ce prix-là, il s’en trouvera toujours un à vendre… Pardon ?… Acheter aussi la reine de Syldurie ?… Comme vous y allez, cher marquis ! Cette acquisition est bien au-dessus de vos moyens. Même pour huit cents millions de dollars, Lynda est incorruptible… Non, marquis, faites-moi confiance, avec cet argent, je saurai convaincre les juges de vous faire gagner contre elle… mes juges à moi… vous reviendrez en Syldurie et recouvrerez tous vos anciens privilèges… Ne vous inquiétez pas. Nous avons des tas d’intérêts en commun, cher marquis. Vous avez un vieux compte à régler avec Lynda, et moi aussi. »

Cette brève conversation nous édifie sur la probité de Maître Dimitri Plogrov. Brillant avocat et ardent orateur, il a acquis, malgré sa jeunesse, une notoriété justifiée par son talent. Engagé récemment dans les méandres de la politique, il est depuis peu le secrétaire général du principal parti d’opposition : le Parti républicain. Son programme : la proclamation de la république et l’entrée de la Syldurie dans la Communauté européenne.

Quant à son interlocuteur qui l’appelait de Bolivie, ce mystérieux « marquis », Miroslav de Bifenbaf qui avait si bien réussi à se faire oublier, qu’est-ce qu’il devient ?

Comme nous venons de le dire, il réside toujours en Bolivie, et il s’est parfaitement intégré dans son pays d’exil, bien qu’il ait la nostalgie de sa patrie, au point de soudoyer un juge pour huit cent mille dollars.

Et pourtant, ce n’est pas la misère, dans les Andes. Enfin, ça dépend pour qui ! Miroslav a très bien su s’organiser. Il s’est investi dans l’agriculture. Ça marche bien, là-bas (je devrais plutôt dire là-haut), l’agriculture. La vigne et le blé pas tellement, mais on y cultive une plante typiquement régionale qui, autrefois, a bien servi aux Américains pour l’élaboration d’une boisson noire et sucrée qui fait beaucoup de bulles. Ladite boisson porte toujours le nom de la plante en question bien qu’elle n’en contienne plus. Quoi qu’il en soit, le jus de coca a encore un bel avenir devant lui et notre marquis a misé sur le bon cheval.

Miroslav de Bifenbaf est-il toujours aussi adipeux et hirsute ? Est-il toujours aussi éperdument amoureux de Lynda ? C’est ce que nous découvrirons quand il sera de retour en Syldurie.

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