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IV. L'Enveloppe mystérieuse

« Mais passons dans mon petit salon puisque j’ai eu la chance de trouver un connaisseur, nous y serons plus à l’aise pour y parler peinture. »

Le duc introduisit son hôte dans un salon baroque. Une élégante enveloppe écrue doublée, ni collée ni adressée, avait été glissée sous la porte. Le duc la ramassa, l’ouvrit, tira à mi-largeur la photographie qu’elle contenait, puis la remit précipitamment en place et enfouit soigneusement l’enveloppe dans sa poche intérieure.

Les deux hommes sont assis maintenant près d’une table basse. Le duc s’allume un cigare.

« Vraiment, vous n’en voulez pas ? Vous préférez peut-être le thé ou le café.

– Un café, volontiers. »

Le duc appela une servante :

« Katia, apportez-nous deux cafés avec des croissants, s’il vous plaît. »

La soubrette s’exécuta avec diligence. Le duc sortit son enveloppe.

« Dites-moi, Katia, savez-vous qui a glissé ceci sous ma porte ?

– C’est moi, Votre Excellence.

– De votre propre initiative ?

– Non, Votre Excellence. Un homme m’a donné un billet de cent couronnes.

– Qui ça ?

– Je ne sais pas, Votre Excellence. Je ne le connais pas.

– Comment était-il, ce bonhomme ?

– Pas très grand. Il faisait noir, il avait un grand chapeau, je n’ai pas vu sa figure.

– Dites-moi, Katia, vous ne l’avez pas ouverte, au moins, cette enveloppe ?

– Oh ! Non ! Votre Excellence ! Je n’aurais pas osé.

– Il y a intérêt ! Bon ! Nous verrons cela plus tard. Allez-vous-en ! »

L’humeur du duc s’apaisa rapidement et la discussion reprit son cours convivial.

Sur une étagère étaient alignées plusieurs coupes dorées.

« Votre Excellence est sportive.

– En effet, dans ma jeunesse, j’ai été champion de Syldurie, mais, que voulez-vous, j’ai vieilli, je pratique encore un petit peu pour ne pas perdre la main, et il m’arrive de donner des leçons, j’aimerais bien former quelques futurs champions.

– Et quelle était votre discipline ?

– L’escrime, le fleuret, pour être plus précis.

– Bien sûr ! J’aurais dû m’en douter en voyant les deux épées accrochées face au tableau. Moi aussi, j’ai appris l’escrime, ce qui m’a été bien utile dans certaines circonstances.

– J’espère que nous aurons bientôt l’occasion d’échanger quelques passes.

– Moi de même, mais la comtesse Félixérie est plus forte que moi. Elle m’aurait découpé à l’horizontale, à la verticale et en diagonale, comme le drapeau anglais, si je n’avais pas imploré sa grâce.

– Eh bien ! Dites-lui de venir, elle aussi, avec son épée. J’ai de plus en plus de mal à trouver un adversaire à ma hauteur. La jeunesse d’aujourd’hui n’est plus celle d’autrefois. »

C’était l’heure du vernissage. Le duc et le comte se dirigèrent vers la galerie dominée par le prestigieux tableau.

Le soir, toutes ces festivités sont enfin terminées, le duc se retrouve seul, il se jette lourdement dans un fauteuil avec un long soupir. Au bout de quelques minutes, il se décide à verrouiller la porte de son cabinet, puis tire de sa poche la mystérieuse enveloppe. Il en extrait la photographie.

« Il ne vaudrait mieux pas que la duchesse tombe là-dessus ! »

C’était la photographie d’une femme, une très belle jeune femme en robe de soirée, aux épaules nues et au décolleté abyssal. Une blonde éclatante à la crinière domptée, tressée, bouclée, comme une couronne royale au-dessus de sa tête. Alphonse de Baffagnon passa de longs moments à rêver qu’il serrait dans ses bras cette superbe inconnue. Il retourna la photographie entre ses doigts. Il y était manuscrit au verso :

« 17/05, 11 h, Cantine des Italiens. »

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