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Pourquoi je ne parle plus en langues

Je suis entré pour la première fois dans une église évangélique sur l’invitation de ma mère. Celle-ci m’avait bien expliqué le déroulement d’un culte pentecôtiste, je ne devais donc pas m’inquiéter si j’entendais des choses bizarres : c’est le Saint-Esprit qui s’exprime par le moyen du parler en langues et de son interprétation. En effet, durant ce culte, j’ai entendu parler en langues, et son interprétation m’a convaincu que le message s’adressait à moi personnellement. Pour moi, c’était une révélation, car j’admettais l’existence de Dieu, mais en aucun cas la possibilité de communiquer avec lui.

Après cette première expérience, je me suis mis à lire la Bible sérieusement, et la lecture du Psaume 22 m’a convaincu qu’elle est réellement la parole de Dieu.

Quelques semaines plus tard, en vacances dans le sud de la France, je me suis à nouveau senti interpellé par un parler en langues et son interprétation. C’est ce qui m’a convaincu de prendre ma décision pour Christ.

J’ai donc reçu le baptême en novembre 1978. En toute logique, je devais maintenant attendre avec foi le baptême du Saint-Esprit. Mon attente n’a pas été longue. Pour le jour de l’an, j’ai été invité à déjeuner chez un jeune pasteur. Bien entendu, nous avons parlé du baptême dans le Saint-Esprit, et de la nécessité de recevoir ce revêtement de puissance. Il m’a demandé si je voulais qu’il prie pour moi, et bien sûr, j’ai répondu oui.

Pendant qu’il m’imposait les mains, je louais le seigneur avec ferveur dans ma langue maternelle, le français, avec force alléluias. Le pasteur faisait monter la sauce :

« Allez-y ! Vous l’avez ! Parlez en langues ! N’ayez pas peur ! Vous l’avez ! Vous l’avez ! Laissez tomber le français ! Parlez en langues ! Allez-y ! Vous l’avez ! »

J’ai dit : « Dèlè, dèlè, dèlè… » C’était parti !

« Alléluia ! notre frère est baptisé dans le Saint-Esprit ! »

Pendant plus d’une semaine, je nageais dans le bonheur et la spiritualité. Je parlais en langues du matin au soir, dans ma salle de bains, dans ma cuisine, dans mon lit… au réveil, je commençais par parler en langues pour être sûr que ça marchait toujours.

Dans ma naïveté de nouveau converti, je pensais que, puisque tout le monde était baptisé dans le Saint-Esprit, ou aspirait à l’être, il était impossible d’observer, parmi les chrétiens, des disputes, des jalousies, des rivalités comme dans le monde des incroyants. Comme je me trompais !

Je n’ai pas tardé à constater que les églises pentecôtistes étaient toujours en tête du hit-parade des divisions et des scandales.

« Bon ! C’est normal, plus il y a de bénédiction et plus le diable est en colère. »

Mais cette explication ne m’a pas satisfait indéfiniment. Je n’ai pas tardé à être témoin et victime du système. En fait, je me rendais compte que plus les gens parlaient en langue, et plus ils étaient charnels. Sans parler des règlements de compte à coup de prophéties. Mais quand on est dans une église de réveil, on y reste. S’en aller pour atterrir dans une église endormie qui ne connait pas ou qui refuse le Saint-Esprit, quelle déchéance !

D’autres questions m’interpellaient : comment se fait-il que des parlers en langues articulées sur deux ou trois syllabes débouchent sur des interprétations du style : « Écoute mon peuple, je suis l’Éternel, le dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob… » ?

Réponses traditionnelles : « Les interprétations ne sont jamais littérales, » ou bien : « C’est probablement un dialecte du fin fond du Zimbabwe ; ils savent exprimer beaucoup de choses avec peu de mots. »

Combien de foi ai-je entendu des chrétiens louer dans leur langue maternelle, espagnol ou italien, dont j’ai pu saisir quelques bribes, et aussitôt après un frère donner une interprétation du style : « Mon enfant, donne-moi ton cœur… » ?

Enfin, je me suis toujours demandé pourquoi je n'ai jamais reconnu le nom de Jésus dans un parler en langues alors qu'il  se dit pratiquement pareil dans toutes les langues.

En 1997, l’atmosphère de notre église locale étant devenue insupportable, nous avons décidé, mon épouse et moi, de la quitter. Pour aller où ? Dans une autre église pentecôtiste ? Nous y étions grillés de toute façon, alors nous nous sommes tournés vers le monde charismatique, mais nous n’y adhérions pas vraiment. Pour l’anecdote, nous étions à la mission Anacondia, à Paris, en 2000. Alors que de nombreuses personnes apportaient sur l’estrade leur appareil auditif, je suis passé devant une grande enceinte au mauvais moment, ce qui n’a pas été sans conséquence sur mon audition. Alors que tant de personnes auraient recouvré l’ouïe, j’ai gagné la surdité (ou du moins une baisse de mes facultés auditives).

J’ai donc commencé à lire la Bible sans mes lunettes pentecôtistes. J’ai tracé deux colonnes sur une feuille de papier, à gauche les textes qui me paraissent approuver la doctrine du parler en langues, à droite ceux qui me paraissent la contredire. J’étais perplexe. N’était-il pas possible de concilier les deux tendances ? Force m’était de constater que pour y parvenir, il fallait bien essorer la parole de Dieu.

C’est à cette époque que je m’étais mis en rapport avec un responsable de la Maison de la Bible, je ne sais plus lequel, pour demander la permission d’inclure dans mon site internet des textes dont elle détenait les copyrights. Avec l’autorisation, le frère m’a proposé de collaborer avec eux dans un service en ligne. J’ai répondu « pourquoi pas ? » J’ai alors reçu un formulaire avec l’incontournable question : « Quelle est votre position sur le parler en langues ? » J’étais assis entre deux chaises et je ne pouvais pas mentir. J’ai répondu en substance que le parler en langues n’était pas le signe initial du baptême dans le Saint-Esprit, mais que c’était tout de même un plus dans ma vie chrétienne. J’ai reçu par retour du courrier la brochure « Le parler en langues est-il biblique ? » J’en ai conclu que ma candidature n’avait pas été retenue.

Nous avons, en fin de compte, rejoint une église de frères tout en nous promettant d’aller une fois par mois dans une église pentecôtiste pour « ne pas perdre la main ».

Finalement, un article de Fernand Legrand nous a définitivement ouvert les yeux sur la question.

Pour conclure, je pourrais dire que le parler en langues, c’est comme la cigarette : c’est difficile d’arrêter, mais on se sent mieux après.

Il reste cependant un point obscur : ce sont pourtant des parlers en langues et leur interprétation qui m’ont amené à la foi. C’est vrai.

Que s’est-il passé, en réalité : ma mère fréquente l’église, elle parle de moi aux chrétiens, l’église prie pour ma conversion. Voilà qu’un beau matin, je débarque à l’église avec ma mère. Je me souviens qu’une sœur âgée nous a accueillis en ces termes : « Bonjour, sœur Fillion, vous êtes venue avec votre mari ? » Bref, tout le monde connaissait mon histoire, il n’a pas été difficile de concocter un message prophétique bien dirigé. Quant à la deuxième expérience, j’étais dans une église où l’on ne me connaissait pas, et j’ai entendu un message que j’ai pris pour mon compte, mais celui-ci, par son contenu, pouvait s’adresser à n’importe quel inconverti présent dans l’assistance. Je ne me posais pas ces questions, j’y ai cru et j’ai accepté le salut en Christ ; c’est l’essentiel.

Et si j’avais débarqué dans des églises où l’on ne parlait pas en langues, je ne me serais pas converti ? Pas de panique, Dieu n’est jamais à court de moyens.

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